dimanche 10 avril 2011

La dialectique du Maître et de l'Esclave au cinéma


Dans le langage courant, un maître s’apparente à une personne qui commande, gouverne ou exerce une autorité. Une autre définition implique l’idée qu’un maître possède quelque chose, qu’il en dispose librement et qu’il est libre de le faire. Un esclave, lui, est une personne de condition non libre, considéré comme un instrument économique pouvant être vendu ou acheté, et souvent soumis à une dimension tyrannique.
Certains penseurs ont développé l’idée que le rapport d’opposition entre le maître et l’esclave était discutable. La polysémie de ces termes a montré une évolution, qu’elle soit positive ou négative, du statut du maître et de l’esclave, où la place de chacun n’est pas réellement définie, d’où une contestation possible des définitions établies.
Dans quel contexte historique, social et philosophique peut-on parler de relation maître et esclave ? Comment cette relation a-t-elle évolué ? Comment a-t-elle été perçue à travers tous les arts ? 
Dans un premier temps, nous verrons le rapport dominé et dominant qui s’instaure dans une relation maître et esclave au sens stricte du terme. Puis nous démontrerons que cette relation s’est étendue à tous les domaines de la société, le genre et la sexualité, la politique et la religion, et plus largement l’avenir tout entier de l’être humain destiné à devenir lui-même l’esclave de cette société. 

Partie 1 : renversement des valeurs.
1) Dans l’antiquité déjà, la notion de pouvoir tenait une place importante au sein de la société. Platon avait une conception hiérarchique, élitiste et pensait que seul un philosophe pouvait diriger la cité, car seul lui représentait le bien, loin de la corruption du commerce et du profit.
Aristote, lui, (à la manière de Nietzsche plus tard) disait qu’il y avait, par nature, des gens qui gouvernaient et d’autres qui obéissaient. Il émet même l’hypothèse que si les machines étaient capables, sur une simple demande, ou même en anticipant ce que l’on va leur demander, d’accomplir leur travail, il n’y aurait plus ni maîtres ni esclaves. Aristote ne croit pas à sa propre hypothèse, c’est pour cela que selon lui, l’esclavage est une fatalité, car il y aura, de toute manière, toujours des esclaves pour faire fonctionner les machines.
Mais à cette époque même, une anticipation du renversement des valeurs s’opère déjà. En effet, Socrate, dont Platon était le disciple, suggère que « le tyran est le moins libre de tous les hommes », s’opposant à la liberté dans le sens de « pouvoir faire ce que l’on veut ». Il explique alors que le tyran n’est en réalité que l’esclave de ses passions, il torture parce qu’il aime le faire. Platon suivit l’idée de son maître, à savoir que la liberté consiste à faire ce qui ne nous plait pas. (Le tyran serait libre s’il résistait à la tentation de ne pas torturer).
A l’époque de la Renaissance également, les notions de pouvoir sont au centre des débats. Hormis la politique de Machiavel qui consiste à acquérir le pouvoir que l’on n’a pas et conserver celui que l’on a, maximisant les valeurs d’utilité et d’efficacité par la ruse et la force, il y a aussi les thèses de l’écrivain français La Boétie avec le discours de la servitude volontaire, paru à titre posthume en 1576. Selon lui, les hommes obéissent au pouvoir sans se rendre compte que c’est cette obéissance qui rend ce pouvoir consistant. Il suffirait alors de ne plus servir pour ne plus être sous le joug du pouvoir.
Faisons un bon en avant avec Nietzsche et La généalogie de la morale, publié en 1887. Il démontre dans sa première dissertation, « bon et méchant ; bon et mauvais » le renversement des valeurs du maître et de l’esclave. Il part de l’idée que les hommes élevés se sont sentis eux-mêmes bons et ont estimé leurs actes bons. Il revient même aux racines du langage qui démontrent que l’étymologie du mot « bon » renvoi à la classe noble, aux âmes supérieures. Mais le renversement des valeurs s’est opéré avec le christianisme, et la vengeance, et le ressentiment du peuple juif. Nietzsche invoque le Christ comme le moyen de renverser les valeurs du bien et du mal, et qui a permis le triomphe des esclaves. Il oppose la morale des forts où le bon est le noble, le puissant, et le mauvais celui qui ne possède pas ces qualités, à la morale des faibles où le méchant est le fort et le bon celui qui n’est pas méchant. Cette démarche implique donc une distinction entre les notions de «bon» et «méchant», que Nietzsche nomme « la morale des esclaves », qui désigne par « méchant » celui qui est bon dans la première catégorie. Le bon devient donc le méchant.         

En tout temps donc, il y a eu une réflexion autour de le rapport de maître et esclave, certainement parce que celui-ci a toujours été présent dans l‘histoire et cela, dans le but de faire fonctionner des sociétés comme dans l'antiquité où être esclave était un statut, au Moyen-Âge par la relation seigneur et peuple. On a aussi eu un rapport maître/esclave pour servir une idéologie politique comme avec Staline, Mao Tsé-Toung, Hitler .. Toutes ses causes, se rejoignent sur les définitions qu'on a pu citer plus haut à propos des mots maître et esclave. En effet, à chacune de ces époques ou périodes historiques on a pu remarquer des similitudes telles que la privation de liberté, l'exploitation, la maltraitance, l'humiliation avec bien souvent un acharnement du 'maître sur l'esclave' par l'interdiction de certains lieux, le marquage pour distinguer ces personnes puis des camps de concentration pour définitivement les mettre à l'écart, jusqu‘à les exterminer. Pour avoir l'appui du reste du peuple, on a pu faire des discours, de la propagande et la répression sur les gens qui n‘adhéraient pas. Bien qu'on n'emploie pas les mots de maître et d'esclave lorsqu'on parle de Staline, de Tsé-Toung et d'Hitler (entre autres) avec leur peuple et leurs opposants, on retrouve des agissements, qui sont à l'origine de ce rapport, dans la définition de ces mots. Ces définitions qu’on peut approcher de celles du racisme. Le racisme, qui est la certitude qu'a un peuple de valoir plus qu'un autre et de le dominer, a été un lieu de controverses très important dans les siècles passés et actuellement. En analysant les discours des philosophes des lumières, nous allons voir que ce thème est aussi un sujet qu'on peut rapprocher au rapport maître/esclave.

Historique :

2) Les philosophes des lumières apparaissent dans le courant du XVIII ième sous le règne de Louis XV. C’est un siècle de contestation et du savoir. On souhaite désormais se libérer des contraintes religieuses. Pour plusieurs penseurs la séparation des pouvoirs de l’église et de l’Etat serait judicieuse. Durant cette période 1715 (Régence) et 1789 (révolution fr), plusieurs inventions apparaissent ce qui contribuent à la prolifération du savoir et de la connaissance pour « tous » comme l’invention de l’imprimerie. La démarche de l’encyclopédie dirigé par Diderot et Voltaire vise elle aussi à propager la connaissance. La censure reste  toujours présente.  Selon différents genres les penseurs dénoncent ainsi l’intolérance, la colonisation et notamment l’esclavage et abordent la primeur de la liberté qui vise au bonheur mais aussi à l’affranchissement grâce à la raison humaine.

Ouvrage et philosophes :

Diderot use de l’oralité dans son livre supplément au voyage de Bougainville pour dénoncer les méfaits de la colonisation et l’immoralité des colons face aux esclaves issus des pays colonisés. Il souligne l’opposition entre le peuple dîtes civilisé et le peuple colonisé à travers le discours d’un vieillard parlant à son peuple. Il défend ici les concepts établit par les philosophes des lumières. La vision des colonisés est définit de la même façon que la controverse de  Valladolid. ( => parle des esclaves comme une apparence humaine mais ne possédant pas d’âme et reste à l’état animal. Pour la défense il dénonce un certain préjugé de ce peuple et l’abus des colons face à l’esclave. Ne pas comprendre les coutumes de ces gens permettrait de mieux tolérer la légitimité de l’esclavage. Pas de conclusion sur l’esclavage des indiens. Le débat s’achève sur l’accord que ces hommes soient issus d’Eve et Adam).

Voltaire revendique la liberté des esclaves et dénonce les procédures de mutilations des esclaves dans son œuvre philosophique Candide. (candide, ses périples dévoilent les ravages de la guerre, tremblement de terre à Lisbonne et l’esclavage).
Lui étant contre la guerre ajoutera néanmoins que si il faut désigner une guerre « légitime » «  celle de Spartacus serait la plus juste ».

L’esclavage condamne l’homme à servir et être perçut comme un objet utile à la production et reste dans l’ignorance. Cette vision pour les lumières ne serait être juste car tout homme est disposée à s’élever par la raison. On remarque néanmoins qu’il se compose d’un rapport dominé dominant et dans ce cas le civilisé l’emporte.
L’esclave est aussi au service d’un maître comme il est question dans l’aristocratie où toute famille de bonne condition disposée  d’un serviteur. Le serviteur est lui aussi montrant comme ignorant, faible et violenté par son maître dans les pièces de théâtres à l’âge classique c'est-à-dire au siècle précédent. Hors les revendications du siècle s’établit aussi dans ce dispositif et témoigne d’un certain renversement.

3)Analyse de The servant de Losey de 1963 :
Tony, un jeune aristocrate, emménage dans une luxueuse maison à Londres et engage Hugo Barrett comme domestique. Celui-ci est un valet modèle, serviable, intelligent et qui ne cesse de répéter qu’il ne veut que rendre service à Tony, ce qui plait à celui-ci qui noue une certaine complicité avec Hugo. Mais Susan, la fiancée de Tony, n’apprécie pas Barrett et devine le caractère malsain de celui-ci. Elle se méfie également de Véra, la gouvernante au service de Tony que Barrett fait passer pour sa sœur, mais qui est en réalité sa fiancée. On peut déjà remarquer l’emprise que Barrett à sur Tony quand il lui impose en quelque sorte sa sœur comme gouvernante. Peu à peu, le couple Véra-Hugo investit les lieux de la maison (Véra qui utilise la salle de bain de Tony). Tony, délaissant Susan, tombe rapidement sous le charme de Vera et c’est la que commence sa déchéance. Quand Hugo et Véra doivent momentanément quitter Tony sous le prétexte de rendre visite à leur mère (Véra, évidemment, ne part pas pour séduire Tony), on s’aperçoit de sa dépendance aux deux individus au point tel qu’il n’est même plus capable de faire quoi que ce soit par lui-même (comme commander un plat dans un restaurant). Plus tard, il apprend qu’Hugo et Véra sont amants et les vire. Il sombre dans l’alcool et va jusqu’au point de reprendre Hugo qui va mettre toute cette histoire sur le dos de Véra, le menant une fois de plus en bateau. Les deux hommes deviennent comme des colocataires jouant à des jeux (la scène du « cache cache » où Tony semble terrorisé ; la balle dans les escaliers où les deux se disputent les points gagnants), mais Hugo prend le dessus sur le maître, devenu une épave dont le caractère et la volonté ont totalement disparus.
Cependant, le film ne s’instaure pas dans un rapport classique du dominant/dominé. Le maître n’est pas un tyran, il est ouvert et chaleureux alors que Barrett (ainsi que Vera) n’ont rien de sympathique, et cela se voit rien qu’avec leur visage. Ils utilisent le manque d’autorité de Tony et le retourne contre lui. Le rapport dominé/dominant est permutable mais reste toujours au profit de Hugo.

Dans la littérature il est aussi question de ce renversement du rapport maître et esclave.

4) Le rapport maître esclave rappel la notion d’influence et de dépendance.  En effet ce couple ne peut se passer l’un  et l’autre. Ils ont besoin de l’autre pour marquer son origine sociale. Le renversement se fait aussi à la fourberie du valet ou par une domination numérique. En effet plus les esclaves sont nombreux plus les maîtres devront s’adapter à eux pour être compris et obéit. De cette manière les esclaves sont en position de force et peuvent les influencer plus facilement. L’organisation sociale se base selon une hiérarchie des classes. Ainsi accordé une égalité reste utopique.

Dans l’île des esclaves Marivaux afin de dénoncer l’aliénation  expose une satire sociale et un regard moralisateur sur l’homme. Il inverse les rôles et place les personnages de sa pièce dans une île utopique où les esclaves deviennent les maîtres et vice versa. S’opère ainsi un jeu de miroir car les esclaves n’établissent aucun changement et peint seulement les caprices de leur maître. Il n’est alors pas question de bouleversement de situation car ils ne feront que répéter l’attitude de leur dominé. Ils sont perçus comme trop lâche pour pouvoir changer les habitudes et se rebeller alors que les maîtres sont paresseux, orgueilleux et mondain. L’influence et la dépendance sont pleinement démontrées dans ce rapport.

Ces rapports ambigus et privés sont aussi appliqués dans le registre du travail. En effet dans le film l’autre Dumas, le film dévoile un co auteur tapis dans l’ombre du maitre Dumas. August Maquet fut désigné comme le nègre de l’autre qui lui reste fidèle durant 10 années. Dumas ne peut se passer de lui pour écrire mais il en fut de même pour Maquet. Le film nous montre le passage d’une rupture entre les deux une fois le quiproquos révélés. A ce moment on y voit la perte d’inspiration pour l’un et la déchéance pour l’autre anéantit par cet abandon. Dumas dira même qu’il est près à lui céder ses caprices pour qu’ils reviennent. Il finit par revenir car il est obligé de constater sa panne d’inspiration.
(Le film use aussi des procédés propre au théâtre comme l’utilisation des masques et des quiproquos ce qui permet au cinéaste d’avancer prudemment vers ces idéaux.)



5) Avec l'analyse de certaines œuvres littéraires et cinématographiques comme The servant on peut s'apercevoir que le rapport entre maître et esclave, comme on a pu le décrire plus tôt, peut être renversé. Cette idée a également été celle d’autres penseurs dont nous allons détailler leurs points de vue.
Hegel qui dans La phénoménologie de l'esprit explique que, selon lui, la conscience de soi ne naît que par la prise de conscience de l'autre. On ‘est’ que parce qu'il y a l'autre. Et on ne peut s'accomplir qu'en ayant un rapport avec lui. Ce rapport se baserait sur une idée simple : la peur, ou non, de la mort. En effet, si on a peur de la mort, explique-t-il, on aura une position de faiblesse par rapport à l'autre qui lui, ne la craindra pas. C'est à partir de ce moment-là que notre rapport maître/esclave va se créer.
Mais Hegel ajoute que, celui qui est dominé et qui travaille la terre pour son maître, est le seul des deux à influer sur celle-ci, et donc sur le monde. Grâce à cela, il va s'élever au dessus de son maître et de la nature sur laquelle il a désormais le pouvoir et va ainsi s'humaniser. L'homme le plus libre des deux sera en définitif l'esclave et plus le maître-dépendant.
Un autre penseur comme Alexandre Kojève se rattache à l'idée de Hegel, mais pour lui, ce qui est à l’origine de cette élévation est la peur de la mort plus que le travail effectué sur la nature.
Le rapport maître/esclave est pensé autrement par Karl Marx. En effet, cela serait dû à l'infrastructure économique qui, en créant de nouveaux besoins et modifiant par cela la culture, engendrerait une lutte des classes sociales. Pour lui, un renversement est possible à la condition que les dominés fassent preuve de violence. Il n'y a que comme cela, qu'ils pourraient renverser leur maître.
Emmanuel Kant a aussi une idée sur la question et pour lui tous les esclaves ont de l'entendement, ce qui leur manque, c’est le courage. Leur position, ils l'adopteraient alors par lâcheté. Grâce à leur entendement ils pourraient renverser cette situation mais, si l'un d'entre eux a le courage de le faire, de se révolter, il ne faut pas qu'il le fasse qu'en son nom. Il faut qu'il emmène avec lui d'autres dans sa lutte sinon son action serait vaine au final.
On voit bien ici que le renversement du rapport maître/esclave est une pensée très concrète. Le maître se trouve alors dans une position d'infériorité, ce que nous allons développer ici.

II/ Mœurs, politique :
1)   le genre : Les hommes et les femmes.

L’autorité masculine se joue également dans son rapport avec la femme. L’éducation féminine souvent opprimée ou réduite. Les droits des femmes apparaissent que très tard dans notre temps. Les femmes ont pu souvent être acheté, perçu comme une marchandise, considérée comme étant inférieur au masculin. Elles sont souvent données en mariage afin de perpétuer la famille. Cette approche des différences de genre dévoile l’autre facette d’une dialectique maître et esclave.
          Lors de leur éducation au couvent elles ne pouvaient se permettre de lire des romans ou de discuter avec des hommes qu’elles ne connaissaient pas. Puis en Espagne les jeunes filles avant d’être promise et jusqu’ à leur mariage elles sont accompagnées d’une duègne. Dans ce principe si on se réfère à la définition de l’esclave, les femmes endosse ce rôle dans la société. Même marié elle devait obéissance à son mari et fidélité ce qui n’est pas réciproque.   Le féminisme s’annonce au XIX avec le mouvement des suffragettes Un souffle de révolte apparaît au XVII ainsi qu’au XVIII avec les salons aristocratiques.
          Lorsque la femme se trouve en position de force sur l’homme ce n’est jamais impunie dans les romans. Ex : Laclos et Zola avec Nana et Mme Bovary. Dépense des hommes qui ne peuvent se passer des femmes et sont prêt à tout pour les courtiser. Jusque se battre en duel par exemple et devenir son amant. Dépense et utilitarisme dans se rapport. Malgré qu’elle soit plus libre qu’un esclave elle reste néanmoins moins libre que l’homme durant très longtemps.


2) Aujourd’hui, beaucoup de films mettent en scène cet esclavagisme permanent de l’être humain, écrasé par les nouvelles technologies, et la pression de la société qui incite à produire plus et logiquement à consommer plus.
Outre l’exemple de Fight club, qui s’attache plus au capitalisme et à ses dérives, il y a également les films purement futuristes qui s’inscrivent, cependant, dans un réel en devenir, où la machine prend lentement mais sûrement le pas sur l’homme.

Dans Matrix, les machines ont réduit l’homme à l’esclavage, qui est seulement là pour nourrir la machine. Et pour nourrir celle-ci, nous devons tout de même produire de l’énergie. C’est pour cela qu’a été crée la Matrice. C’est l’utilité pure du corps pour la machine. Cependant, malgré les apparences, il s’instaure un rapport d’égalité entre la machine et l’homme : pour survivre, les machines ont besoin de nous car nous produisons l’énergie qui la fait marcher.

Dans Terminator, les humains ont crée SKYNET, un programme informatique capable de penser par lui-même (ce qui l’humanise) et qui est sensé protéger les hommes d’éventuelles attaques. Un jour, un virus informatique pirate toute la sécurité. Désarmés, les hommes utilisent SKYNET sans savoir que c’est SKYNET, lui-même, qui a implanté le virus. Une fois activer le programme contrôle toutes les armes et déclenche la bombe nucléaire sur la Russie, sachant qu’elle va répliquer. Peu à peu, la machine amène les hommes dans une nouvelle guerre mondiale, et créée de plus en plus de machine pour anéantir le reste de l’humanité. Nous assistons à un renversement : c’est la machine qui refuse de se faire contrôler par les humains.

3)Dans The island, les humains ont l’opportunité de souscrire une assurance vie qui se matérialise sous la forme d’un clone. En cas de maladie ou d’accident graves, l’homme bénéficiera des organes de son clone. Les clones sont des purs produits de consommation. Mais ils sont également les esclaves de l’industrie qui les a crées puisqu’ils travaillent eux même à produire d’autres clones. De plus, ils ne sont pas en mesure de contester quoi que ce soit, car leurs créateurs ont fait en sorte que leur intelligence ne dépasse pas celle d’un enfant de quinze ans.
On retrouve donc des similitudes dans les particularités du rapport maître/esclave développé plus tôt comme dans Metropolis de Fritz Lang où le robot qui a subi une programmation, clame un discours et réussi à persuader les travailleurs. Ici l'assujettissement se fait par la programmation d'une machine comme dans des films plus récents, I, Robot, où c'est une machine qui programme aux robots de se rebeller, l'Odyssée de l'espace, où là aussi, et toujours pas une voix féminine, une machine se révolte dans l'espace en tuant des hommes qui sont dans un état végétatif et empêche d'autres à retourner dans la navette spatiale. On a également Ultimate game, film dans lequel c'est un humain qui joue avec la vie d’un homme incarcéré dans un jeu vidéo. Et plus récemment, dans Tron, où on assiste à une purge, et une re programmation. L’idée de dépendance est très importante donc dans ces films de l'Homme et de la machine. Il est clairement dit dans ce film que son clone est son seul moyen de parvenir à créer le monde numérique et qu'il dépend de lui. Autre rapport de dépendance dans le film récent Clones, où, pour vivre dans le monde extérieur et réel, ils doivent utiliser leur clone. Il y a un disfonctionnement de la machine qui permet cela puisque quelqu'un est retrouvé mort alors qu'il était branché.
Notons également que ces machines suivent une certaine logique elle-même programmée par l'Homme : rendre le monde meilleur et que ça se retourne contre l'Homme lui-même parce que les machines ont conscience que l'Homme n'est pas parfait et détruit ce monde. Dans le film Tron, avant que le clone ne fasse exiler son créateur,  il lui pose une question : "Est ce que je dois toujours accomplir la tâche pour laquelle tu m'as crée ?" la création d’un monde parfait, sans maladies .. Son créateur lui répond alors "Oui." et le clone le fait arrêter. Les machines ont alors un pouvoir sur l'Homme qui s'explique par les propres volontés de l'être humain, mais qui les desservent. Et leurs agissements se rapprochent de ceux des hommes (comme la purge, la privation des libertés et même la mort qu'on a connus lors de périodes de l'histoire et qui se retrouvent dans certains de ces films cités).

4) « le danger dans le passé était que les hommes deviennent des esclaves. Le danger dans le futur est qu’ils deviennent des robots. » Erich Fromm.

L’homme bicentenaire de Colombus réalisé en 2000 témoigne de l’importante avancée technique qui est la création des robots domestiques. Programmé pour aider aux taches ménagères des familles, un physicien perfectionne son robot et lui témoigne de l’affection. Adaptation fidèle d’une nouvelle de Isaac Asimov le film montre  le mépris de l’homme pour les robots et dénonce le  racisme. Cette forme d’esclavage sur les techniques que l’homme confectionne renvoie à l’image de l’homme face à ses actes sur autrui. Le rapport ne s’inverse pas il apparaît dans ce film comme étant presque égalitaire car Robin williams ( Andrew martin)n’aura de cesse de vouloir garantir son humanité et ne plus être considéré seulement comme  une machine. 
A la fin du film une marque d’ironie est exprimée dans cette dialectique de l’homme et la machine puisqu’il évoque un paradoxe. Angela Landis jouant le rôle de Grace martin tient sa vie par une machine respiratoire et elle demandera à son infirmière robot (Galatée) de la débrancher. Ce geste car elle souhaite rejoindre Robbie williams (Andrew) mort quasi naturellement. Dévoilant ainsi une relation complexe dans ce contexte entre l’être humain et la confection des machines.


On peut en conclure que Le rapport maître/esclaves n'est pas une notion évidente. Bien qu'on en ait une idée bien déterminée, elle se présente sous des formes détournées et implicites.

La "nouvelle chair" chez Cronenberg



Introduction
Sous une apparente facilité due à l’enveloppe du genre, le cinéma de Cronenberg se révèle, plus on le regarde et l’étudie, complexe. D’autant plus que le réalisateur évolue tout au long de sa filmographie. Cette dernière fait état de plusieurs périodes qui remettent sans cesse en cause les analyses figées qu’on pourrait avoir de ses films.
Dès ses premiers films, Cronenberg manifeste une attention toute particulière au corps. Dans Videodrome, sorti en 1983, Max Renn, le personnage principal lance un slogan qui semble constituer le fil conducteur des films qui vont suivre : « Longue vie à la nouvelle chair ».
Nous allons tenter, à travers certains films du réalisateur canadien, et en particulier Videodrome, The Fly, Crash et EXistenZ, de cerner ce qu’il entend par « nouvelle chair », même si lui-même ne la définit pas vraiment, et d’articler cette notion à des enjeux philosophiques au travail dans son œuvre.
Nous verrons, dans un premier temps, comment Cronenberg, dans un cinéma tactile et sensible, fonde une pensée qui émane du corps et qui lui est indissolublement mêlée mais aussi comment ce matérialisme est poussé à un point tel qu’il se désincarne jusqu’à atteindre un certain immatérialisme.

Alain Badiou, dans son dernier ouvrage intitulé Cinéma (pages 346 à 351 « Le cinéma et l’invention de nouvelles synthèses » et « Tribute to Gilles Deleuze »), s’inscrivant dans la lignée de Deleuze, évoque la possibilité pour le cinéma d’être un lieu d’expérimentation philosophique. A la différence de la philosophie qui pense avec des concepts, le cinéma pense avec des images, qui ne sont pas des représentations psychiques mais une réalité.
Le cinéma serait l’occasion concrète de réaliser, d’inventer de nouvelles synthèses philosophiques, de dépasser d’anciennes dichotomies, et notamment celle qui nous intéresse ici pour le cinéma de Cronenberg, celle de l’esprit et du corps. A travers l’expérience cinématographique, il y aurait une réconciliation entre l’intelligible et le sensible.
Pour Deleuze, « c’est par le corps (et non par l’intermédiaire) que le cinéma noue ses noces avec l’esprit, la pensée » (Cinéma 2 page 246). Cette formule de Deleuze semble particulièrement s’appliquer aux films de Cronenberg dans leur ensemble : « Donnez-moi un corps : la formule du renversement philosophique. ».
En effet, le cinéma de Cronenberg relève d’une évidence des corps. Le corps y a une place de choix, il y est exposé, sous tous ses aspects, et en particulier hors des formes convenues de représentations traditionnelles, héritées des canons de la beauté grecque antique qui domine encore en art (nous l’étudierons dans une troisième partie consacrée à l’esthétique cronenbergienne). La médecine, la chirurgie, l’expérimentation scientifique faite sur la chair s’incarnent dans nombre de personnages des films de Cronenberg : chirurgiens plastiques dans Rabid, médecin expérimentant de nouvelles manières de greffer des organes dans Shivers, psychiatre dans The Brood, scientifique inventant la téléportation dans The Fly, jumeaux gynécologues dans Dead Ringers
Cette présence du corps à travers ses manifestations les plus répulsives, matières visqueuses, ventres parasités par des virus étranges, excroissances inconnues ou artificielles, changements bizarres, malformations, explosions de chair et de sang, constituent tout autant de figures qui assoient le matérialisme du cinéma de Cronenberg : pour lui, le corps est le lieu de la pensée, la chair le siège de toute réflexion. Elle n’est qu’une fonction de l’organisme, une de ses extensions. Il n’y a d’accession au savoir, à la vérité, que dans l’expérimentation faite par le corps.

On peut citer, à ce propos, un poème d’A. Artaud (L’Ombilic des limbes) :
« Or moi
Dans mon corps
Moi,
Tout mon corps
Je sais tout. »

Cette pensée incarnée, devenue chair, nouvelle chair, abolit le dualisme posé par une longue tradition philosophique entre le corps et l’esprit, le matériel et le spirituel, bref le matérialisme et l’idéalisme.
Cronenberg s’inscrit donc, semble-t-il, dans le sillage de Nietzsche, et s’oppose aux philosophes idéalistes, à savoir Platon et Descartes.
Cronenberg, dans un entretien qu’il a consacré à Grünberg, dans la série « Cinéastes de notre temps » se compare à un personnage d’un tableau du peintre Caravage (XVI), Thomas l’incrédule, un des apôtres qui a besoin de mettre ses doigts dans la plaie du Christ pour vérifier qu’il s’agit bien de lui et que ses stigmates sont bien réels. Le réalisateur compare avec humour mais justesse ce geste à la plaie ventrale du personnage de Vidéodrome : le savoir, la connaissance nous viennent bien de l’expérience sensible.
Nous allons effectuer un petit rappel, peut-être réducteur, sur la philosophie platonicienne, qui fonde toute une tradition idéaliste et dans laquelle le christianisme plonge ses racines les plus désastreuses pour le corps.

Pour Platon, le monde sensible est une illusion, nous sommes trompés par nos sens : cette pensée est représentée par la métaphore devenue mythe de la Caverne. Dans le Phédon, Platon rapporte les paroles de Socrate avant sa mort. Quand nous pensons, le corps devient un obstacle, il nous trompe dans la recherche de la vérité. Donc l’âme aspire à s’en échapper pour saisir réellement les choses. Le corps nous prive de la pensée, donc de la philosophie. Seul le monde des idées à de valeur. « Les philosophes sont joyeux de s'en aller vers les lieux de leur espoir et de rencontrer ce dont ils sont amoureux, la pensée. » On peut ici faire une parenthèse et comparer deux films qui s’inspirent de la philosophie platonicienne, à savoir Matrix et, dans une certaine mesure, EXistenZ.
Matrix semble une illustration concrète du mythe platonicien de la Caverne : le monde dans lequel nous évoluons n’est qu’une illusion, une apparence créée par une matrice informatique.

Un parallèle peut être fait avec EXistenZ : les personnages évoluent aussi dans une réalité qui n’en est pas une. Mais, à la différence de Matrix, ici, l’illusion provient du corps lui-même et est véritablement produite par un organisme hybride et génétiquement modifié, le pod greffé sur le système nerveux des personnages qui leur permet d’extérioriser leur univers mental.

Le christianisme prolonge le platonisme dans sa hantise de la chair, son horreur du corps. Comme la philosophie idéaliste, il rêve de désincarnation, mais le corps se rappelle constamment à lui. Il faut donc le faire taire, le réduire, le nier, par toute une série de contraintes corporelles plus ou moins sévères qui vont du jeûne aux sévices les plus divers en passant par l’abstinence sexuelle.
Les héros cronenbergiens en sont loin, Crash semble en être la preuve, Vidéodrome peut-être davantage, mais tous deux jouent sur l’ambigüité des sévices corporels et du plaisir, la douleur se révélant presque comme une vérification par la négative du plaisir possible, son envers…
.(Il serait intéressant de faire un parallèle ou de voir comment Cronenberg retourne les sévices corporels prônés par les différentes religions pour nier le corps en une forme d’exaltation de la chair dans la sexualité violente ou déviante qu’il met en scène dans ses films, alliant souvent Eros et Thanatos. C’est particulièrement visible dans les deux films cités plus haut, Crash et Videodrome.
Cronenberg a d’ailleurs été attaqué par certaines féministes car il mettait en scène des femmes désirant souffrir dans une relation hétérosexuelle… Je suis encore très partagée sur la question et trouve certaines scènes de cet ordre profondément dérangeantes (Dans Crash, Catherine couverte de bleus après sa relation avec Ballard, la scène dans l’escalier dans A History of violence…)

Sans transition, du sexe à Descartes…
Pour Descartes, c’est le cogito qui me révèle mon existence comme pur être pensant. La conception du cogito implique deux conséquences :
L’innéisme : le point de départ de la connaissance doit être dans l’esprit. Les idées sont innées, elles ne viennent pas d’une expérimentation du sensible par le corps.Le dualisme : le corps et l’âme sont deux substances distinctes.

A l’opposé de Descartes et de Platon, semble-t-il, Cronenberg, dans certains de ses films, paraît prôner, au contraire, que la pensée est substantielle, qu’elle ne peut être déprise de la chair : la pensée semble même suinter du corps. Bref, la pensée est charnelle.
On pense donc tout de suite à Nietzsche, qui balaie, d’un revers de manche distraite, avec le talent et le culot qu’on lui connaît, toute la philosophie qui le précède.
Dans Ainsi parlait Zarathoustra, il écrit : « Je suis un corps et rien d’autre. Je suis corps et âme, ainsi parle l’enfant. »
Dans Le Crépuscule des idoles, et plus particulièrement dans le chapitre intitulé « Le problème de Socrate », Nietzsche considère la philosophie de ce dernier comme un symptôme physique de décadence, à savoir de négation de la vie : « de tout temps, les plus sages ont porté le même jugement sur la vie : elle ne vaut rien ». Plus loin, « ils s’accordent physiologiquement pour avoir une attitude négative à l’égard de la vie ». Les jugements de valeur sur la vie ne sont que des symptômes du corps. A propos de Socrate, Nietzsche parle de la « méchanceté du rachitique » qui le caractérise, et il réduit le fameux démon qui l’inspire à des « hallucinations auditives ».
Il rejoint en cela Rimbaud, son presque contemporain, qui écrit dans « Délires II, Alchimie du verbe » de La Saison en enfer : « La morale est la faiblesse de la cervelle ».

Un premier parallèle formel entre Nietzsche et Cronenberg peut être fait à travers la figure du médecin qu’ils endossent tous les deux.
Nietzsche se dit en effet « philosophe médecin » dans la préface du Gai Savoir et ne plus penser en terme de Vérité mais de Santé : il va s’appliquer à ausculter les idoles, c’est-à-dire les idéaux, pour s’opposer à l’idéalisme, véritable poison qui rend le corps débile.

Extrait The Fly
Cronenberg met son corps en scène, même masqué (tout comme Nietzsche emploie le masque de l’autobiographie dans Ecce Homo), dans le rôle du gynécologue, accoucheur ici d’un monstre.

Cronenberg s’oppose aussi au rationalisme de Descartes, qu’il analyse avec humour dans un entretien consacré à Positif de janvier 91. Il déclare : « J’aime ce processus de la pensée analysé par votre philosophe, où chaque étape paraît logique, raisonnable, mais à l’arrivée cela paraît fou ». Une manière de balayer gentiment mais sûrement le cogito descartien.
Au contraire, au travers des personnages de scientifiques ou de savants, Cronenberg stigmatise l’orgueil du rationalisme, la foi sans limite dans les pouvoirs de la raison. Dans ses films, les viscères semblent imposer leur volonté au cerveau.

Extrait Shivers (Frissons)
Un médecin expérimente une nouvelle manière de créer des organes non par la greffe mais par l’introduction de bactéries qui vont les reproduire à l’intérieur de l’organisme humain. L’expérience lui échappe et un étron-pénis se développe dans l’abdomen des victimes, libérant totalement leurs pulsions sexuelles.

Extrait The Fly
Seth Brundle, qui expérimente sur la téléportation d’un organisme complet, par sa décomposition puis sa recomposition, doit accéder à une connaissance de la chair et l’intégrer à son programme informatique pour que la téléportation soit complète.L’idée abstraite doit donc s’incarner et ceci par l’expérience faite par le corps (la séquence qui précède est une scène de relation sexuelle entre les personnages principaux, l’expérience tactile par excellence d’où provient la connaissance est ici le sexe).

Dans le même ordre d'idée, le cerveau, chez Cronenberg, est toujours un organe.

Extrait Scanners
Les crânes explosent sous l'effet d'une pensée. Matière, substance, occupent en quelque sorte un espace trop étroit.

On peut établir à propos de ce film un possible parallèle avec Bacon, qui, selon Deleuze, peint des têtes et non des visages. Car la tête est une dépendance du corps. Alors que le visage réfère à l'idéalisme.

Puisque le cerveau est un organe, les idées sont des productions concrètes et matérielles.

Extrait The Brood (mal traduit en français par Chromosome 3).
Cronenberg le qualifie de plus autobiographique….
Le personnage principal élève seul sa fille alors que sa femme est internée dans une clinique psychiatrique mystérieuse. [thérapie « psychoplasmatique » ]
Ici, les haines s'incarnent en de véritables êtres vivants, monstrueux, asexués...

Le corps est donc la seule possibilité d'accéder au savoir et à la vérité. Il y a d'ailleurs très peu de psychologie dans les films de Cronenberg : les motivations des personnages ne sont pas toujours explicitées par une motivation psychologique, mais ce sont toujours les corps qui s'expriment, qui parlent. Ainsi, dans Dead Ringers (Faux semblants), l'un des jumeaux doit expérimenter les mêmes désordres corporels dus à l'alcool et aux différentes drogues pour comprendre son frère. Il doit faire connaître dans sa chair les pensées de l’autre, qui n’existent pas idéalement.

Toute l'entreprise de Cronenberg, au travers de ses films est de « donner chair au verbe », formule emblématique qu'il emploie dans l’entretien qui lui est consacré dans la série Cinéaste de notre temps. Il conçoit ses propres films comme de véritables corps, doués, une fois réalisés, d'une vie propre et autonome, indépendants de leur réalisateur.

Extrait entretien En chair et en os  (documentaire)
Comparaison entre la censure et l'amputation.

Le cinéma est pour Cronenberg la lanterne magique qui va donner corps à ses idées; concrétiser des images mentales.
Du côté de la réception, Cronenberg ne souhaite pas que le spectateur ait une compréhension intellectuelle du film, mais une compréhension sensible, émotionnelle. Il s'attache donc à fournir différents niveaux de perceptions : on peut apprécier The Fly comme un bon film d'horreur par exemple, et le regarder tranquillement un samedi soir sans forcément faire un exposé dans un cours de philosophie de l'art...


Pour Cronenberg, le film idéal n'est pas mental, n'est pas dans sa tête : il s'agit d'un processus organique, sculptural. Le scénario de l'intérieur, c'est le concept. Le film est un processus plastique qui s'inspire du corps des acteurs, de la lumière, de l'espace, des décors : il demeure donc opposé à l'utilisation de storyboard, qui est selon lui non souhaitable. (Propos tenus dans Cinéastes de notre temps)
A ce terme de la réflexion, un caillou se glisse dans les rouages... On se croyait bien assis sur nos certitudes quant à l'analyse du matérialiste Cronenberg. Tout était trop beau, finalement trop simple, trop allié avec Nietzsche contre l'Idéalisme décadent de Platon et Descartes. Il paraît que c'est un processus normal mais il n'en demeure pas moins douloureux.
Le matérialisme de Cronenberg, la présence écrasante du corps et en partie de son intériorité, de ce qu'il a de plus matériel, organique, à savoir les organes, semble battu en brèche par un immatérialisme proche du philosophe Berkeley dont on peut trouver une illustration dans certains de ses films.

Selon Berkeley (1685 -1753), philosophe de l'idéalisme empirique ou immatérialisme, les représentations n'existent que dans l'esprit de celui qui les perçoit. Seuls les objets de la perception ou leurs esprits qui la perçoivent sont réels. Il n'y a pas de matière existante en dehors de soi.
A la différence de l'idéalisme qui affirme que les idées précèdent le monde ou le structurent, l'immatérialisme pose donc une identification de la sensation et de l'idée et une inexistence d'une matière extérieure à l'esprit.

Cette philosophie est particulièrement illustrée dans Vidéodrome et Existenz. Le professeur O Blivion (un des personnages de Videodrome) déclare ainsi: « la seule réalité est celle que nous percevons par nos sens ».

Extrait Vidéodrome. Il n'y a plus de distinctions entre la réalité et les hallucinations de Sam.
L'image n'est pas un voile, elle constitue une chair.

Existenz introduit un doute systématique entre l'image réaliste et onirique ou hallucinatoire. Cela insuffle au spectateur un doute mortel sur l'image, une déstabilisation du cinéma venue de l'intérieur.

Les autres arguments allant dans le sens d'un immatérialisme de Cronenberg, proche de celui de Berkeley, parsèment nombre de ses films, et notamment dans Crash.
On voit rarement manger les personnages (anecdote qui fait cependant sens).
Les corps des acteurs sont souvent très beaux, lisses, désincarnés, presque idéalisés (même lorsqu’ils sont abîmés par la matière, comme dans Crash, leurs visages sont rarement affectés.)Bref, ce sont rarement le tout venant de l'espèce humaine (aucun mépris envers le tout venant)

Dans la scène de sexe, qui a souvent choqué, la liaison entre les deux protagonistes se fait essentiellement par le langage et dans l'évocation d'une relation sexuelle imaginée avec un absent.
Prothèse, cicatrice, sont tout autant de marque de l'épiméthéia de l'homme qui l'oblige à conquérir son être entier par l'annexion du matériau étranger.
Tout se passe comme si il fallait atteindre un au-delà de la chair, en se débarrassant d'un corps trop étroit, mortel.

Extrait The Fly.
Les reliques humaines de la transformation programmée de Brundelseth sont tout autant de marques de vieillissement et d’acheminement vers la mort.

Extrait Vidéodrome.
Suicide final pour accéder à la « nouvelle chair ».

La mort est souvent vécue comme une délivrance, une solution…
Comment cette matérialité qui confine à l'immatérialisme s'incarne dans un cinéma de la métamorphose et pose ainsi les bases d’une nouvelle esthétique.


Dans le cinéma classique, la métaphore est avant tout utilisée pour évoquer un désordre qui relève de l’âme. La métamorphose sert ainsi les représentations du bon et du mauvais, on peut citer Dr Jekyll et Mr Hyde de Mamoulian en 1931, qui n’utilise la métamorphose physique que pour suggérer le manichéisme des 2 personnages. Cronenberg pense la métaphore du point du vue du corps, dans un entretien avec Serge Grünberg il parle de son besoin de donner chair au verbe. Et quel meilleur medium que le cinéma, lieu par excellence de la représentation visuelle des idées, pour matérialiser la pensée tel qu’il l’entend.
Ainsi pour Cronenberg, comme pour Nietzsche, toute pensée doit nécessairement passer par la chair pour exister. Le corps est le premier lieu de la réalité, il y a une incarnation physique des idées. Le corps est le lieu de l’expérimentation et de la verification, d’où l’intérêt pour Cronenberg du domaine médical. Mais la métamorphose relève d’autre chose que de la simple transformation physique, chez Cronenberg elle correspond presque toujours au rapport qu’entretient l’individu à son corps et à son organisme. C’est la question du devenir de l’homme qui est en jeu. A propos du Devenir Gilles Deleuze dit « qu’il n’y a pas un terme dont on part ni un auquel on arrive ou auquel on doit arriver ». Cela est d’autant plus palpable chez Cronenberg qu’il s’attache à évoquer la perméabilité, la pénétrabilité des corps .en ce sens le corps ne possède plus de délimitation propre, il est un mouvement perpétuel.
EXTRAIT : Videodrome. Max Renn prend le pistolet laissé dans son abdomen et celui-ci fusionne avec sa main.
Cronenberg évoque à de nombreuses reprises au fil des entretiens sa surprise face à notre manque de connaissance concernant l’intérieur de notre corps. C’est en effet dans l’instabilité dans la fébrilité des corps que l’individu prend réellement conscience de son organisme interne. C’est souvent dans cette conjoncture que s’installe la métamorphose, une fois que l’individu prend conscience de la mise en péril de son corps, la métamorphose devient monstrueuse. L’image monstrueuse chez Cronenberg apparait toujours de manière naturelle, ce naturel est d’ailleurs très souvent soutenu par le discours insouciant du personnage atteint.
EXTRAIT : The Fly. Brundle évoque sa nouvelle façon de se nourrir à Veronica.
La métamorphose est toujours la mise en question d’un corps dans sa singularité qui petit à petit va contaminer les autres. C’est avant tout un cinéma de l’individu qui n’est jamais abouti, concret.
Selon Simondon, l’individu se maintient dans la tension qu’il entretient avec tous les éléments contradictoires et conflictuels qui forment la totalité psychique et physique .C’est bien ce dont il est question dans le cinéma cronenbergien. Les personnages sont des êtres auto-générés qui n’adviennent que par eux-mêmes, ils ne s’accommodent pas de moralisme et de communautarisme (au sens premier du terme) mais au contraire souvent solitaires et essayant d’échapper aux conventions sociales (Dead Ringers).
La métamorphose est également l’occasion pour Cronenberg de questionner les normes et la société car elle permet de faire sauter les barrières et engendre un retour pulsionnel des instincts (pulsions sexuelles, de violence). Qu’elle soit d’origine médicale, expérimentale ou psychanalytique la métamorphose joue à un moment le rôle de libérateur de pulsions, c’est la frénésie sexuelle dans Shivers, la violence extrême dans Rabid, l’exploration d’une nouvelle sexualité dans Crash.
Cronenberg évoque à sa manière les dangers du refoulement. L’exemple le plus notoire est The Brood, dans lequel Nola, incapable d’exprimer son ressentiment donne naissance à des êtres hybrides asexués qui sont l’incarnation de sa rage et n’ont qu’un but : la violence. Le refoulement met en péril l’individu même puisque celui-ci est incapable d’identifier ses sentiments.
Si la pensée semble être presque toujours incarnée dans la chair c’est pourtant cette même pensée qui vient questionner les corps et les déstabiliser, chez Cronenberg le corps possède des limites, certaines pensées ne peuvent être contenues par le corps. L’esprit est une extension du corps qui transcende la chair.
EXTRAIT Scanners. Cameron passe par les câbles téléphoniques pour détruire le centre.
Dans Dead Ringers il est question d’un seul esprit incarné dans 2 corps qui ,bien que similaires, ne parviennent jamais à embrasser complètement la fusion psychique de la gémellité. Pour retrouver l’unicité, l’identité il faut passer par la mort charnelle. On peut comparer Dead Ringers à un film sorti récemment : Black Swan de Darren Aronofsky : ici c’est la dualité de l’esprit qui ne peut se contenter d’un corps, l’issue est la même. Il faut tuer la chair pour retrouver l’essence : l’esprit.
EXTRAITS
-Dead Ringers. Les corps des jumeaux sont liés dans la mort dans une forme fœtale.
-Black Swan. Nina doit tuer le cygne blanc pour atteindre le cygne noir.
C’est là que Cronenberg s’éloigne de Nietzsche : l’esprit peut advenir sans le corps. Il pose la question de l’extension des corps par l’esprit : par le biais de ce dernier il s’agirait de définir une nouvelle forme d’homme qui s’émanciperait du sensible pour tendre vers l’intelligible.
Dans la métamorphose, l’esprit tient un rôle déterminant : c’est quand le personnage prend conscience de sa métamorphose que celle-ci vient questionner le corps et l’humanité.
EXTRAIT The Fly. Brundle se demande s’il va mourir
Au final le cinéma de Cronenberg est avant tout un cinéma de l’illusion. Il s’agit toujours de déterminer où est la réalité et l’illusion. Il y a dans ses œuvres une double voire une triple subjectivité. La première relève de la vision du réalisateur notamment au travers des thèmes qu’il met en scène. La deuxième serait celle des protagonistes qui subissent la situation sans pouvoir obtenir des réponses et enfin celle du spectateur qui ne se voit jamais ses doutes complètement clarifiés. Les films de Cronenberg restent tous ouverts à de multiples interprétations. ExistenZ et Naked Lunch en sont de parfaits exemples.
Cronenberg rejoint les théories de Berkeley. La vérité n’est en fait qu’une interprétation personnelle de ce qu’on voit, rien ne vaut comme étant absolu et vrai. Il n’y a plus de barrières entre la réalité et l’illusion car elle est propre à chacun.
Les idées soutenues par Cronenberg requièrent la définition d’une nouvelle esthétique à travers des genres et des thèmes dont les conventions seront transformées

Intériorité / Dégout du corps

Cronenberg est considéré comme un cinéaste de l’intérieur. Dans Corps et Artifices de Cronenberg à Zpira, Dennis Baron s’est surtout attaché à montrer comment Cronenberg, dans son cinéma, utilise le corps et creer une nouvelle esthétique.
Cronenberg utilise le corps comme un objet, il subit en effet de nombreuses transformations, il très souvent modelé, abimé. On remarque un très fort rapport entre les sciences, la technologie, les machines et le corps, la plupart des modifications sont provoqués par des scientifiques, des docteurs. Le corps est mis en danger et il devient souvent incontrôlable. Ce qui sépare l’intérieur et l’extérieur du corps c’est la peau, pour Dennis Baron il s’agit d’un point de jonction entre le monde et nous, il parle de la peur de son propre organisme, que l’on retrouve chez Cronenberg, avec le dégout du corps, de l’intérieur du corps.

Généralement l’intérieur est perçu comme sale, dégoutant, pleins de microbes et c’est aussi la partie de soi que l’on ne peut pas voir, et donc il y a cette peur de ce que l’on ne peut pas se représenter, on ne peut pas y accéder et si on peut c’est seulement grâce à des machines (radios…). C’est effrayant de ne pas être capable d’observer son propre organisme, en plus de la peur de l’inconnu.
Donc on a tendance à séparer l’intérieur et l’extérieur alors qu’au contraire on devrait essayer d’homogénéiser les deux. Le mieux serait d’extérioriser l’intérieur pour le rendre visible et ne plus en avoir peur. Il faudrait je cite « dépasser la limite de la peau » (Dennis Baron). Le corps est un lieu de découverte et Cronenberg s’en sert pour construire son récit autour de celui-ci. Il s’agit donc en parti de rendre apparente des choses caché, par exemple le corps développe de nouveaux organes (le « dar » dans Rabid-rage qui sort du corps) chez Cronenberg.

Libération a publié un entretien avec Cronenberg en 1999 dans lequel il s’exprime sur sa vision du corps, il dit « Notre corps nous dégoûte et nous mystifie, c'est nous, et en même temps tout ce que notre corps contient nous répugne. J'essaie de recapturer l'étonnement ancestral, archaïque face au corps et de créer une nouvelle esthétique qui rende justice à la beauté des organes » il a aussi précisé qu’il n’était pas fasciné par une partie du corps plus qu’une autre mais qu’il voulait en créer un nouvelle.
On ne devrait pas être dégouté par notre corps, nos entrailles, mais plutôt être fasciné et voir nos organes internes comme nos organes externes.

Animalité et sexualité déviante

Cronenberg tisse des liens entre le corps, l’irrationnel et l’instinct animal, on le remarque surtout dans The Brood, avec les enfants tueurs qui ont un physique plutôt monstrueux, on voit dans l’extrait Nola qui déchire la poche qui entoure l’enfant avec les dents et ensuite le lèche pour lui retirer le sang, le nettoie.

La chair chez Cronenberg est montrée comme une surface illimitée que l’on peut transformer, l’homme transformé est l’alliance d’éléments incompatibles, des outils dans Vidéodrome, Max Renn est mélangé à un revolver, l’arme est la continuité de son bras. La chair peut aussi se dédoubler, c’est ce qui se passe dans La mouche Brundel est homme et mouche. Et donc avec The brood la chair se propage vers l’extérieur, avec Nola qui donne naissance à des enfants en dehors de son corps, ils sont comme des excroissances.
La transformation du corps, montre un retour aux instincts naturels, les personnages s’éloignent vers le coté déshumaniser, alors qu’en général, on essaie d’intégrer une certaine norme à notre corps dans le but de favoriser notre intégration à la société. L’entretien du corps montre cette volonté d’intégration « le corps devient un produit de la culture plutôt qu’un produit de la nature ». Et donc les mutations du corps montrent l’opposition qui existe entre le culturel et le naturel.

La laideur du corps le dépérissement de la chair ça revient plus au domaine de la nature puisque à la base le corps dégénère, il vieillit. Pour Baudelaire « tout ce qui est beau et noble est le résultat de la raison et du calcul ».

L’homme doit embellir son corps son visage avec des artifices pour être beau car la nature nous rapprocherait plus du physique de l’animal et donc les modifications du corps aujourd’hui ça serait un moyen de se rapprocher de la nature tout en gardant un lien avec la société.
Dans La mouche Brundel perd progressivement son côté humain sa transformation n’est pas directe. Et même si au début la fusion de la mouche et de Brundel a des aspects positifs tel que la force physique, Il est rapidement obligé de s’isoler, à un certain moment son unique contact vers l’extérieur est Véronica.

Chez Cronenberg, il existe par ailleurs une forte relation entre la fusion corps/machine et le désir sexuel. On le voit dans une grande partie des films, Rabid, eXistenZ, Vidéodrome et surtout Crash. Pour Crash, les personnages ont recours à des pratiques extrême, ils provoquent volontairement des accidents de voitures, ou ils se mettent en danger eux même, pour le cinéaste il y a un lien évident entre la douleur et le plaisir, deux sentiments qui ne sont pas forcément séparés, ici les personnages sont à la recherche de sensations fortes pour atteindre un plaisir différent, plus fort à un stade nouveau.
En plus du désir lié aux collisions, il a aussi le désir pour le corps abimé, les personnages ont des marques, des stigmates sur tout le corps, du à tout ce qu’ils se sont infligés sur la route, on sent l’attirance de ces personnages pour le corps transformé et surtout meurtri, abimé. Ceci est montré de différentes manières et de nombreuses fois dans le film, dans l’extrait avec la cicatrice de Gabrielle et aussi le mécanisme qui entoure ses jambes. Et puis il y a cette manière de mettre en avant les marques en leur donnant un aspect ambigu.

Crash montre le lien entre l’humain et la technologie, ou les personnages pratiquent une forme extrême de sadomasochisme en quête d'un nouveau stade de plaisir. L’accident de voiture au début du film du couple est le choc qui marquera le début d'une longue descente aux enfers où le corps se mêle à la mécanique. Où la carrosserie endommagée peut faire écho aux blessures humaines.

Cronenberg analyse à travers Crash, le rapport que l’homme entretien avec son corps et les mutations de celui-ci, il y a un mélange chair/machine qui se réalise durant les accidents de voitures et Cronenberg montre par cela, sa vision d’une société qui tend de plus en plus vers la déshumanisation fait un parallèle avec la vision que nous avons de notre propre corps qui devient peu à peu un simple objet. On le voit dans l’extrait ou ils recréent l’accident de James Dean, le plaisir consiste à mettre en scène sa propre mort, il s’agit d’une vision plutôt pessimiste de la société, ou les hommes et les femmes n’ont plus vraiment le goût de rien et leur seul plaisir réside dans l’autodestruction.

"Le ventre est pour l'esprit un poids redoutable. Il rompt à chaque instant l'équilibre entre l'âme et le corps. Il emplit l'Histoire. Il est responsable de tous les crimes. Il est l'antre des vices." Victor Hugo
Pour Bataille « La transgression n'abolit pas l'interdit mais le dépasse en le maintenant. L'érotisme est donc inséparable du sacrilège et ne peut exister hors d'une thématique du bien et du mal » ou "L'érotisme est l'application de la vie jusque dans la mort. La sexualité inspire la mort."
Bataille évoque un principe d'insuffisance du corps humain, à partir de sa théorie sur l'érotisme qui développe un concept de continuité et discontinuité, Corps discontinu, lié à aucun corps, sans attaches, sans prothèses, enfermée dans une forme labyrinthique, son existence produit des prothèses pour réussir à retrouver sa"continuité" perdue. L'acte sexuel est pour lui un acte de dissolution de son propre corps dans le corps de l'autre, comme une contamination, l'homme est une particule insérée dans un ensemble d'espaces et de corps instables auxquels il va tenter de se greffer, à la manière des personnages de Cronenberg qui ne peuvent s'additionner sans un élément extérieur, il y a une autre forme de sexe et ce cinéma individualiste ne permettra jamais aux personnages de se greffer à un autre personnage, même avec l'aide d'une excitation extérieure (voitures, drogues, histoire de M Butterfly...)
Pour Sade transgresser le sacré revient à cultiver le blasphème, car, explique-t-il dans La Philosophie dans le boudoir : «Il est essentiel de prononcer des mots forts ou sales, dans l’ivresse du plaisir, et ceux du blasphème servent bien l’imagination.
Il n’y faut rien épargner ; il faut orner ces mots du plus grand luxe d’expressions ; il faut qu’ils scandalisent le plus possible ; car il est très doux de scandaliser : il existe là un petit triomphe pour l’orgueil qui n’est nullement à dédaigner ».Cronenberg fait de ces marques sur le corps de nouveaux organes qui vont créer une nouvelle forme de sexualité.
Dennis Baron parle de sexualité déviante en tant que sexualité nouvelle, et cette nouvelle forme de sexualité est du surtout à la création de ce que l’on va appeler les nouveaux orifices par Cronenberg. Dans Crash, la cicatrice de Gabrielle sur l’arrière de la cuisse, le bioport dans le bas du dos dans eXistenZ, l’espèce de dar dans Rabid, « l’abdomen-magnétoscope » de Max Renn (qui ressemble énormément à un vagin) dans Vidéodrome…le corps est transformé pour créer « de nouveaux lieux de jouissances et de nouveaux organes excitables ». Ces nouveaux orifices, on peut les voir comme des brèches qui font le lien entre l’intérieur et l’extérieur du corps.

Cronenberg bouleverse les termes de la sexualité classique, il introduit quelque chose de plus complexe, monstrueux, qui tend vers l’inhumain : « Le vagin abdominal de James Wood (Vidéodrome), l'utérus mutant de Geneviève Bujold (Faux semblants), l'anus denté du Festin nu et les cicatrices érogènes de Crash ».

Cela montre ces intentions par rapport à son cinéma, toujours dans le Libération, il a précisé « Il y a chez moi le désir de faire du cinéma pornographique que l'on ne pourrait pas censurer parce que le sexe n'y est pas montré réellement alors que tout le monde sait que c'en est vraiment ». il fait un parallèle entre la société actuelle et ce que lui montre, que la sexualité est pas seulement lié à la reproduction, et qu’il en est de même dans ses films, par exemples chromosome 3 (the Brood) la femme peut procréer à l’extérieur de son corps et donc pour Cronenberg, inventer un nouvel orifice plaisant dans un but sexuel, c’est presque une évidence, il fait d’ailleurs un rapport avec les mutilations corporel, le bondage…qui créés déjà de nouveaux organes en les tordant. Ces nouveaux orifices créés des sensations étranges chez le spectateur.

Le gore
Soyons clair, David Cronenberg ne fait pas du cinéma gore mais lorsqu'on lui demande au sein des Cahiers pourquoi a t-il fait le choix de créatures en caoutchouc telles que les mungwumps, il répond que c'est "une possibilité que l'on se donne quand on en a besoin" et que ce sont les journalistes qui ont besoin de catégories.
Chez Cronenberg il y a souvent l'idée du thumos de Platon dans La République; une horreur qui serait désirable, ce vers quoi notre regard se rapproche irrésistiblement. "L'oeuvre d'art n'est pas la représentation d'une belle chose mais la belle représentation d'une chose" Emmanuel Kant
Une Charogne : Charles Baudelaire "donne-moi ta boue et j'en ferai de l'or"
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint […]
Les scènes choquantes ou gore chez Cronenberg font partie intégrante de ces films, pas forcément toujours réalistes (le nez explosé dans History of violence) mais souvent marquant un temps fort du film et nous prenant à chaque fois aux tripes; le suicide de Frank Dodd, qui s’enfonce une paire de ciseaux dans la gorge (Dead zone) ; l’alimentation de « Brundle-mouche », qui vomit un enzyme digestif sur sa nourriture avant de l’ingurgiter ; les combats entre les créatures mi-machines à écrire, mi-blattes, dans Le festin nu ou les meurtres des scanners commis par la seule force de leur pensée : crânes qui explosent, corps projetés, auto-combustion, et même dans un film qui semblerait sortir du circuit cronenbergien, la scène ultime de suicide de M. Butterfly , violence douce et crû, un peu irréaliste car il serait étonnant qu'un public de prisonniers regardent un homme se travestir en geisha calmement, Chaque scène accompagnée d’une gamme très étendue de bruitages ( gargouillis, glougloutements ou battements de cœur) qui rendent palpables l’organique, et donnent tout son sens à l’expression de matière vivante.

Des parallèles, des sources d'inspiration...
  • Francis Bacon
Deleuze en 1981 écrit Logique de la sensation, un livre entièrement consacré à l'oeuvre de Francis Bacon. La naissance d'un corps sans organes, qui a perdu sa structure organique avec une communication permanente entre les parties supérieures et inférieures, "corps de la sensation" que Deleuze rapproche de la machine.
Francis Bacon utilise son pinceau comme un scalpel, travaille la matière viande, "le peintre boucher" sera d'ailleurs toujours étonné de ne pas trouver de viande humaine lorsqu'il se rend à la boucherie.
Deleuze évoque l'idée de l'increvable, qui se relève sans cesse dans cet effort désespéré à vouloir être représenté. c'est également le propre des créatures de films d'horreur ou l'on peut avoir en tête le babouin retourné de The Fly, le "corps viande" ou encore la mouche lors de sa métamorphose finale avant qu'elle ne pointe le fusil sur sa tempe dans un dernier sursaut humain, ("renaissance" Brundle garde son humanité).
Aristote considère trois types de mouvements, l'augmentation: la grandeur, la translation: le lieu et l'altération: la forme. Hegel lui dit que l'altération est déjà présente dans l'être lui-même. Francis Bacon pense l'altération comme une évolution, Cronenberg pense ses métamorphoses ou contaminations comme une renaissance donc un changement évolutif, l'homme demeure et renaît en gardant ses qualités d'homme et son passé, additionnés à celles de sa mutation. Au cœur de ma propre forme un autre sommeille "le corps parasite".

L'homme chez Cronenberg est "ek-stase" comme chez Heidegger, sors de lui. Si l'homme est porteur du sceau de la négation chez bacon ou chez Bataille, chez Cronenberg il est plutôt dans la recherche de l'évolution, bien qu'il demeure de toute façon "humain, trop humain".
Il y a dans les œuvres de ces deux comparses une injection du temps, en terme d'altération chez Bacon et en terme d'évolution chez Cronenberg, puis un réel attrait pour le sanguinolent, le dégoulinant. La peinture de Bacon comme le cinéma de Cronenberg n'est pas liée à la narration mais à la sensation et fait réagir notre système nerveux. Là où Bacon fait des triptyques pour la variation d'un seul et même corps, Cronenberg travaille au final tout au long de son œuvre un seul et même corps également.
Bacon dira "je n'ai pas la moindre idée de ce que mes tableaux définissent", Cronenberg offre un cinéma poreux que le spectateur ressent à sa manière, rien n'est balisé. Bataille à propos de bacon "corde raide tendue entre figuration et abstraction".
Petite anecdote; Francis bacon collectionnait les photos de crash d'avion et d'accidents de voitures... Michel Leiris parlera pour expliquer cette passion de "présence vivante"... on pense évidemment à Crash et à ce que Cronenberg a pu en dire.
Enfin qu'il s'agisse de Bacon, Bataille ou Cronenberg, le corps humain est profondément ouvert, soumis à ce qui le pénètre (ex de la drogue dans Festin nu , la drogue est appliquée à même la peau ce qui crée ensuite les même bleus que lors d'un shoot)
  • William Burroughs
Burroughs est avec Nabokov, l'un des auteurs de chevet de Cronenberg, il déclare dans les Cachiers dont Festin Nu faisait la couverture "la première fois que je l'ai lu, ce qui m'a le plus frappé c'est le sentiment de reconnaissance ! c'est mon propre imaginaire qui réagissait à ce que me renvoyait un texte beaucoup plus complexe".
Quoi de plus naturel pour David Cronenberg que d'adapter au milieu de sa carrière le livre phare de la beat generation pour le côté underground, après Sur la route de Kerouac, le Festin Nu. Pour un auteur qui s'intéresse à l'intérieur des corps et des parasites William Burroughs auquel aucun cinéaste avant n'osa se confronter, écrivain nietzschéen par excellence, en relation directe avec l'organique et la maladie comme Céline ou Artaud écrit en 196 sa vie de toxico qui travaille excellemment les images et la matière et dont Cronenberg réussira magistralement l'adaptation de son univers intérieur au cinéma, Cronenberg en créera donc un biopic viscéral de l'auteur, chargée de rendre organique et vivant les rêves et les fantasmes... se fondant ici littéralement avec son réel dans un délirium tremens porté à l'extrême, comme d'une relation charnelle avec l'ennemi, une totale acceptation de la drogue, Cronenberg ne parle pas de dépendance mais de communion avec la carrosserie, les drogues (moins chimiques que celles ingérées par Burroughs, ici poudre de chair pourrie d'animaux aquatiques).
La drogue vient se greffer à notre intérieur, afin de nous faire agir comme elle l'entend et de faire immerger notre inconscient, que l'on devienne esclave ou que l'on flirte ardemment avec la drogue ou la machine ou quelconque substance que l'on ingère la relation avec quelconque média qui nous vient de l'extérieur, qu'il soit d'Idée ou de solide, est, chez David Cronenberg, une relation physique et charnelle, une relation du corps par le corps et en totale adéquation avec le corps qu'il nous soit totalement étranger ou non il devient de toute façon une métaphore; la matérialisation de la métaphore voir parfois sa personnification (les munglumps, les machines à écrire insecte... )
"je me sens bien quand j'écris sur toi", "je me sens bien quand je suis avec toi" il ya une forme de jouissance dans l'écriture, un plaisir jouissif, d'où le sperme qui jaillit d'une des minis tentacules du monstre alors que william finit d'écrire... soulagement comme un orgasme, on entretient là encore une relation charnelle avec la machine.
Cronenberg est charnel dans ces relations extérieures (les sciences, les produits, la technologie) c'est en ça qu'il se dit cinéaste positif, il accueille l'étranger par le corps, par le sexe, il est continuellement en train de jouer avec nos sentiments, nous retranche à chaque fois dans nos limites (le supportable que ce soit à la vue ou dans le texte).
Alors son cinéma est celui de la fusion (Bertrand Bonello pour Tiresia (début)), celui d'une totale acceptation de son ère et de son temps, il se heurte à une certaine vision romantique qui regarde derrière soi par certains aspects mais qui, de par son époque, aime autant que l'on a aimé la Nature, la non Nature et l'artifice. Totale acceptation qui passe par le sexe et les fantasmes des technologies, de ce que l'homme fait (homo faber) chez Cronenberg on est dans la création de l'homme, dans son futur, c'est en cela qu'il fait un cinéma de science-fiction, mais qui part toujours de l'intérieur, de ce que l'on ressent, dans la matérialisation des sentiments jusque dans la matérialisation du délétère, on y fouille la chair comme l'on y fouille les pensées. On a eu d'ailleurs tort de dire que Cronenberg faisait un cinéma high tech de par le genre science-fiction si l'on cherche à mettre une étiquette, il s'agirait plutôt de Low tech, car c'est un cinéma qui ne décrit que des états intérieurs.
Dans le Festin Nu lorsque Willliam Lee prend des drogues elles se matérialisent en étranges créatures marines (le monstre est toujours marin car il vient des profondeurs auxquelles nous ne sommes guère familiers...), il sécrète par l'une de ces antennes une liqueur spermale psychotrope et semble ainsi jouir des bienfaits de l'écriture et de l'inspiration.

Familièrement l'on peut dire "ça nous remue", Cronenberg est un cinéaste des entrailles, un cinéaste qui crée la nouvelle chair, celle de l'écran certes représentée au travers de ses films, et celle qui subit les affres de la vision, celle qui fait de nous des hommes "retournés", une nouvelle chair, parasitée par ses images et qui renaissent avec elles dans la nausées, avec les symptômes et avec un désir remué, inavoué, tapie dans l'ombre; le thumos..
Le délétère prend chair : à partir du Festin Nu
La drogue est de la chair d'animal aquatique, il se la shoote en l'appliquant contre ses veines ce qui cause des bleus. Porosité de l'être vivant continu. (Bataille)
La machine après avoir été un insecte devient une tête à penser, l'incarnation de ses pensées, les pensées qui cette fois font chair. les mains s'introduisent dans la bouche ce qui mêle sensualité et le regard statique de la bête ne reflète rien...la bête est gavée par les deux mains de William Lee, le festin d'écriture mise à nue, insecte d’orange mécanique
La drogue est quelque chose qui fait la connexion entre le corps et l'esprit quelque chose qui remue le corps et l'esprit, le parasite, rien ne pouvait plus passionner Cronenberg, et seul lui ou peut-être David Lynch n'aurait pu s'y atteler.
La musique participe également de l'expérience, le musicien acolyte du cinéaste Howard Shore, le jazz distordant qui virevolte aux rythmes des visions délirantes de William Lee, à l'égal d'un Badalamenti pour Lynch, sa musique nous fait pénétrer le monde muqueux et spongieux de Cronenberg. Car nous ne sommes pas devant un film de Cronenberg comme à une projection mais comme sujet d'une expérience, celle du film sur l'homme, le spectateur. Si les films de cronenberg sont des enfants dont le père ne connait ni la vie ni les rencontres alors nous rencontrons les films de Cronenberg et ces films entretiennent des relations avec nous, ce qui en résulte, du plaisir, un malaise, un dégoût d'où peut naitre des monstres, qui bouleverse notre intégrité ou nous font produire des fluides.
Bien que Festin Nu soit également un pamphlet sur la toxicomanie qui a rongé Burroughs pas une seule fois le film ne se sclérose d'une quelconque morale ou d'un quelconque avertissement niais à l'égard du spectateur, sans être pour il nous livre telle quelle une histoire un biopic halluciné et hallucinant qui demeure une des oeuvres marquantes de Cronenberg et l'une des adaptations littéraires des plus brillantes car il s'agissait de faire naître une vision de l'univers, d'y entrer plutôt que dans être un spectateur passif qui suit une trame littéraire ou une biographie.



Conclusion
Mépris des films qui font tout pour être aimé, pour plaire. En Chair et en os, les catégories c'est penser Hollywood, c'est du cinoche, pas du cinéma.
Cinéma qui constitue une mosaïque + qu'une évolution Cronenberg toujours aussi à l'aise "dans le pathétique que dans l'ordure" (Cahiers du cinéma) "si on peut sauver la machine, on peut sauver la vie" Naked lunch", il y a un rapport sensuel et sexuel avec les objets.
Voilà un cinéaste qui pense le cinéma dans un total désir et espoir d'image projetée que l'on peut saisir, un cinéaste plasticien qui travaille l'image avec les Idées de son temps, les images peuvent agressées, elles sont toujours dans la surenchère et dans le rire complice qu'il entretient avec le spectateur, ses héros sont "humain trop humain" et en accuse le choc par ce qu'ils sont profondément humain, profondément remué par leur intériorité, il crée un genre, celui de l'organique et comprend que par le média, il travaille le corps du spectateur, la nouvelle chair serait en fait celle qui serait le résultat de la fusion de son Art avec les corps étranger qui reçoivent l'image, "ses enfants". c'est ainsi qu'il voit ses enfants grandir, traverser des pays, faire des rencontres et qu'ils créent ainsi une nouvelle chair, ce que son cinéma et les rencontres qu'il fait engendre. Bien loin de lui l'idée de nous orienter ou de nous guider, Cronenberg nous livre les choses telles quelles sont, sa vision sans nous indiquer ni nous aiguiller, comme pour lire un philosophe il faut entrer dans la machine et en comprendre les fonctionnements, les rouages et une fois familiarisé avec cette créature de pellicule, la ressentir à l'instar de Videodrome..
Nous avons, au travers de cet exposé tenter de vous faire ressentir la pellicule de Cronenberg, cette recherche continu de "la nouvelle chair", voilà le sujet d'étude de Cronenberg, qui demeure son axe essentiel de travail, il semblerait donc que "la nouvelle chair" soit, celle proposé dans les films (qu'elle soit illusions, visions (Dead Zone), fantasmes (Videodrome), hallucinations (Naked lunch), gémellité, tentative de refoulement de sa nature profonde et d'être quelqu'un d'autre (History... Les Promesses del'ombre...), travestissement et maquillage, métamorphose (The Fly, M. Butterfly)). Cronenberg visite toutes les déclinaisons de la nouvelle chair et il semblerait qu'à l'instar de Giacometti et de ses têtes, il demeure toujours en recherche tant qu'il ne sera pas satisfait de sa représentation, espérons qu'il ne le soit jamais et qu'il continue son exploration abyssale des corps. A tenter le cinéma comme une présentation plutôt que comme une représentation. Attendons-nous à être soufflé, il déclare et reprend Bazin en disant que le cinéma est devenu complet avec le son et ajoute cependant qu'il ne sera complet que lorsqu'il sera en odorama. Ce qui laisse présager de stupéfiantes expériences de la nouvelle chair à venir !


Bibliographie



- BADIOU, Alain: Cinéma, « Le cinéma comme expérimentation philosophique ».

- NIETZSCHE, Friedrich : Le Gai savoir, préface à la seconde édition.
Le Crépuscule des idoles, « Le problème de Socrate ».
Ainsi parlait Zarathoustra.

- DELEUZE, Gilles : Bacon, logique de la sensation.
L’image-temps.

  • DELEUZE, Gilles ; PARNET, Claire : Dialogues.

- PLATON : Phédon.

- DESCARTES, René : Discours de la méthode.
Méditations philosophiques.

- ARTAUD, Antonin: L’ombilic des limbes.

- RIMBAUD, Arthur : Une saison en enfer.

- GRÜNBERG, Serge : Cronenberg, collection « auteurs » des Cahiers du Cinéma.

- HANDLING, Piers ; VERONNEAU, Pierre : L’Horreur intérieure, les films de David Cronenberg.

  • POMPON, Géraldine ; VERONNEAU, Pierre : David Cronenberg : la beauté du chaos.

  • BARON, Denis : Corps et Artifices : de Cronenberg à Zpira.

  • BATAILLE, Georges : L’érotisme.

  • PERON, Didier ; RIGOULET, Laurent : « Entretien avec David Cronenberg », Libération, 1999.

  • STIEGLER, Bernard : « Temps et Individuation technique psychique et collective dans l’œuvre de Simondon », Intellectica, 1998,  n°26-27.

  • MINOT, Fanny : « David Cronenberg : comment s’incarne le personnage de cinéma. »,
http://cadrage.net/

  • TESSON, Charles : « Scanners », Les cahiers du cinéma, n°322

  • GRÜNBERG, Serge ; TOUBIANA, Serge : « Entretien avec D.Cronenberg », Les cahiers du cinéma, n°453.

  • Collectif, David Cronenberg, Collection Positif ,2009.

  • Tausend Augen, Numéro spécial Cronenberg, Nov.1996.

  • Deux documentaires d’entretiens : - « Cinéastes de notre temps ».
- « En chair et en os ».

  • LE CARAVAGE : Thomas l’incrédule.1602.


Filmographie

David Cronenberg

1975: Shivers (Frissons)
1976: Rabid (Rage)
1979: The Brood (Chromosome 3)
1980: Scanners
1982: Videodrome
1983: The Dead Zone
1986: The Fly (La mouche)
1988: Dead Ringers (Faux-semblants)
1991: Naked Lunch (Le festin nu)
1993: M. Butterfly
1996: Crash
1999: eXistenZ
2002: Spider
2005: A History of Violence
2007: Eastern Promises(Les promesses de l’ombre)

Darren Aronofsky

2010: Black Swan